Cass. Soc 2 avril 2025 24-11.728
Par un arrêt du 2 avril 2025, la Cour de cassation rappelle que le refus de l’employeur de suivre les préconisations du médecin du travail constitue un élément de fait suffisant pour laisser supposer une discrimination.
Dans cette affaire, une salariée reconnue travailleuse handicapée a été embauchée en CDD de six mois. À la suite de deux visites médicales effectuées à la demande de la salariée, le médecin du travail a préconisé la mise à disposition d’un siège ergonomique, ce que l’employeur a refusé en opposant la proximité de la fin du contrat. A noter que peu de temps auparavant, l’employeur avait fourni un siège similaire à une autre salariée.
La salariée a alors saisi le conseil de prud’hommes en raison de la discrimination qu’elle estimait liée à son handicap. Si sa demande a été rejetée en appel, la cour ayant estimé que le non-respect des préconisations du médecin du travail ne suffisait pas à présumer une discrimination, mais constituait une simple violation du contrat de travail, elle a en revanche été accueillie par la Cour de Cassation.
L’arrêt de la Cour de Cassation se fonde sur les articles L. 1134-1 et L. 5213-6 du Code du travail :
- Le premierdéfinit le mécanisme de preuve en matière de discrimination, mécanisme qui impose au juge de rechercher si le salarié présente des éléments de fait laissant supposer une discrimination. Si tel est le cas, il revient à l’employeur de démontrer que son refus est justifié par des motifs objectifs.
- Le second impose à l’employeur de prendre les mesures appropriées pour permettre à un travailleur handicapé d’exercer son activité professionnelle dans des conditions adaptées.
La Cour de Cassation estime en premier lieu que le refus de suivre les préconisations du médecin du travail constitue un élément laissant supposer l’existence d’une discrimination liée au handicap.
La Cour précise ensuite que l’employeur doit démontrer que son refus est justifié par des éléments objectifs, tels que l’impossibilité matérielle de mettre en œuvre les mesures préconisées ou le caractère disproportionné des charges pour l’entreprise.
Compte tenu du motif invoqué par l’employeur dans cette affaire, pour justifier son refus, on peut tout de même s’interroger sur le fait de savoir si la discrimination ne concerne pas la nature du contrat plutôt que le handicap.
En tout état de cause, la Cour de Cassation a censuré la cour d’appel pour ne pas avoir recherché si les motifs avancés par l’employeur pour justifier son refus étaient objectifs.
Cet arrêt met en lumière plusieurs points essentiels pour les employeurs :
- Les préconisations du médecin du travail doivent être prises au sérieux et mises en œuvre, même pour des contrats de courte durée.
- Si un employeur estime ne pas pouvoir suivre les préconisations, il doit être en mesure de justifier son refus par des motifs objectifs (impossibilité matérielle ou charges disproportionnées). Ces justifications doivent être documentées et argumentées.
- L’employeur doit veiller à appliquer les mêmes règles à tous les salariés. Dans cette affaire, le fait d’avoir fourni un siège ergonomique à une autre salariée a renforcé la présomption de discrimination.
En conclusion, il est essentiel de former les managers et les équipes RH sur les obligations légales en matière de handicap et sur les risques liés à la discrimination. Une bonne compréhension de ces enjeux permet de prévenir les situations litigieuses.