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Résiliation du bail rural : Une jurisprudence favorable aux intérêts du preneur en place sur la base de deux motifs distincts

Dans une décision du 25 janvier 2023[1], la Cour de cassation a jugé que l’absence de précision par le bailleur, du mode de calcul du fermage à un preneur qui ne réglait pas ses fermages, constitue une raison sérieuse et légitime pour ce dernier au sens de l’article L 411-31 du code rural et de la pêche maritime, justifiant le non-paiement des fermages.

La Cour de cassation a également rappelé dans cette décision qu’une modification des conditions d’exploitation des biens loués par le preneur, peut fonder une résiliation du bail rural, sous certaines conditions.

Dans cette affaire, deux thèmes étaient abordés à propos de la demande de résiliation d’un bail rural par le bailleur.

En premier lieu, le bailleur avait en l’espèce intenté une action en résiliation du bail rural, puisque son preneur n’avait pas réglé ses fermages sur deux années consécutives.

Un commandement de payer les fermages avait alors été délivré au preneur en place.

Le preneur s’opposait au règlement en estimant que le bailleur n’apportait aucune preuve du calcul de ces fermages.

La Cour de cassation approuve la cour d’appel qui avait « constaté qu’aucune quittance mentionnant le montant du fermage, lequel n’avait pas été fixé dans un bail écrit, n’avait été délivré à la preneuse » mais aussi « qu’aucune facture appelant le paiement n’avait été transmise au preneur » et enfin « que les commandements de payer [délivrés au preneur] ne détaillaient pas le mode de calcul du fermage ».

La Cour de cassation estime donc que ces différents motifs cumulés fondent des raisons sérieuses et légitimes de non-paiement des fermages, au sens de l’article L 411-31 du code rural et de la pêche maritime.

En second lieu, en cas de modification par le preneur de l’état des biens loués (dans cette affaire, le retournement des parcelles de terres en herbe), l’autorisation préalable du bailleur est nécessaire[2].

La Cour de cassation rappelle toutefois que même si cette autorisation n’a pas été demandée par le preneur, il appartient au bailleur de justifier que ces agissements compromettent la bonne exploitation du fonds loué.

En conclusion, cette jurisprudence, favorable aux intérêts du preneur en place, fait rappeler au bailleur :

  • qu’il doit être vigilant et rigoureux lors de la demande en paiement des fermages à son preneur : les demandes au preneur doivent faire état du mode de calcul du fermage détaillé, tant dans les factures, quittances, que dans les commandements de payer les fermages le cas échéant. A défaut le preneur peut s’en saisir pour justifier du non-paiement des fermages ;
  • qu’en cas de changement important par le preneur des conditions d’exploitation des biens loués, il appartient au bailleur de prouver que ces agissements compromettent la bonne exploitation du bien, autrement dit qu’une dégradation durable des biens loués est avérée. A défaut, aucune résiliation du bail n’est envisageable sur ce fondement.


[1] Cour de cassation, 3ème chambre civile, 25 janvier 2023, n°21-14.202

[2] Article L 411-29 du code rural et de la pêche maritime

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