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Les habitations nécessaires à l’exploitation agricole

Dans un arrêt en date du 12 septembre 2019, la Cour administrative d’appel de Marseille a rappelé les conditions dans lesquelles une construction destinée à l’habitation nécessaire à une exploitation agricole peut être autorisée en zone Naturelle.

Il résulte des dispositions des articles R. 151-23 et R.151-25 du Code de l’urbanisme que les constructions nécessaires à l’exploitation agricole peuvent être autorisés par le plan local d’urbanisme en zone agricole et en zone naturelle.

De même, dans les communes non couvertes par un document d’urbanisme, le règlement national d’urbanisme autorise les constructions nécessaires à l’exploitation en dehors des parties urbanisés de la Commune en application des dispositions de l’article L111-4 du Code de l’urbanisme.

Le juge administratif a eu tôt fait d’admettre qu’une maison d’habitation peut être considérée comme une construction nécessaire à l’activité agricole si l’exploitation nécessite la présence rapprochée et permanente de l’exploitant.

Il apprécie cependant au cas par cas si la construction d’une maison d’habitation est bien nécessaire et directement lié à l’activité agricole selon plusieurs critères.

En premier lieu, le juge vérifie la réalité de l’activité agricole déclarée.

Il appartient au pétitionnaire de justifier de la réalité de l’exploitation agricole, ou de la réalité de son projet, la simple affiliation à la mutuelle sociale agricole n’étant pas suffisante (CE, 4 déc. 2013, Cne de Condat-sur-Vienne, n° 362639, inédit ; CE, 5 octobre 2018,M. V…, n° 409239, T.).

Le cas échéant, le juge pourra sanctionner la fraude si le projet d’exploitation agricole ne se réalise pas.

Aussi, l’activité agricole doit être exercée à titre principale. Un projet agricole qui ne satisfait pas au seuil minimal d’installation ne saurait donc justifier un besoin de logement (Conseil d’Etat, 6 SS, du 18 juin 1993, 115757, inédit au recueil Lebon).

Et, la construction projetée doit être directement liée à l’activité agricole et ne peut donc pas concerner une activité complémentaire ou même accessoire.

Ainsi, la construction de gîtes ruraux doit être refusée sous cette condition dans la mesure où cet édifice hôtelier ne peut être regardé comme relevant d’une exploitation agricole, quand bien même ces ressources complémentaires seraient indispensables à l’équilibre économique de l’exploitation (CE, 14 février 2007, Min. transports c/ P…, n° 282398).

En deuxième lieu, cette activité agricole doit nécessiter la présence rapprochée et permanente du chef d’exploitation (CE, n° 56622. 14 mai 1986).

Ce qui apparait facile à démontrer pour une activité d’élevage mais beaucoup plus difficile à établir lorsque l’on pratique la culture ou d’autres activités annexes.

Ainsi, le Conseil d’état dénie cette nécessité à un vigneron ou à un maître du chai (Conseil d’Etat, 4ème et 5ème sous-sections réunies, du 18 février 2005, 261171, inédit au recueil Lebon ; Conseil d’Etat, 9ème sous-section jugeant seule, 6 octobre 2010, 304998, Inédit au recueil Lebon).

Encore, cette condition n’est pas remplie pour toutes les activités d’élevage. Pour le juge administratif, un élevage de poules pondeuses ou un élevage d’escargots n’implique pas une surveillance rapprochée et permanente (Conseil d’Etat, 1ère sous-section jugeant seule, 30 juin 2014, 366667, Inédit au recueil Lebon ; Conseil d’Etat, 1ère sous-section jugeant seule, 4 décembre 2013, 362639, Inédit au recueil Lebon). En revanche, cette condition peut être regardée comme remplie pour un chenil destiné au gardiennage de chiens de pensions ou, de manière plus évidente, pour un élevage de bovins (Conseil d’Etat, 1 / 4 SSR, du 6 mars 1991, 105487, mentionné aux tables du recueil Lebon ; Cour Administrative d’Appel de Nantes, 2ème Chambre, 18 décembre 2007, 07NT01237, Inédit au recueil Lebon)

Le ministre de l’agriculture en déduit, de manière un peu réductrice, qu’un logement n’est nécessaire à l’exercice d’une activité agricole que si des soins constants aux animaux sont nécessaires, ce qui signifie la présence de femelles reproductrices (Rép. min. no 33837 : JOAN 3 sept. 2013, p. 9219 ; BJDU 2013. 480)

En troisième lieu, le juge doit également vérifier que les caractéristiques du projet sont bien en adéquation avec l’exploitation agricole existante ou le projet décrit. Le juge s’assure notamment que la construction n’est pas d’une taille supérieure à ce qui est nécessaire pour l’exploitation.

Tout d’abord, il vérifie que l’exploitant ne peut avoir l’usage d’un autre logement existant à proximité de l’exploitation.

Sur ce fait, il y a lieu de noter que la circonstance qu’un ancien exploitant soit propriétaire d’un logement situé à proximité de l’exploitation semble sans incidence sur le bienfondé de la demande du nouvel exploitant pour la construction d’un nouveau logement indispensable au fonctionnement de cette exploitation (Cour Administrative d’Appel de Nantes, 2ème Chambre, 18/12/2007, 07NT01237, Inédit au recueil Lebon ; CAA de MARSEILLE, 1ère chambre – formation à 3, 1er octobre 2015, 14MA00010, Inédit au recueil Lebon).

Ensuite, il y a lieu de prendre en compte la dimension de l’exploitation pour apprécier le besoin d’un logement de fonction (CE, 12 nov. 1990, req n° 97282).

A cet effet, il vérifie également la résidence effective actuelle des exploitants pour s’assurer de l’existence d’un réel besoin de logement.

En ce sens, la Cour administrative d’appel de Marseille retient que des exploitants en culture légumière ne sont pas fondés à soutenir que leur activité agricole nécessite une présence permanente sur l’exploitation, notamment pour contrer les vols de légumes et les divagations d’animaux sauvages, alors qu’au surplus, ils sont déjà domiciliés à une distance très faible de l’exploitation (CAA de Marseille, 12 septembre 2019, n°17MA03984).

Le juge administratif apprécie donc strictement la nécessité pour l’exploitation agricole des constructions destinées à l’habitation dans les zones naturelles ou agricoles et forestières.

Cette jurisprudence est inspirée par la crainte que ces maisons, qui ne sont pas strictement nécessaires à l’exploitation, ne soient ensuite vendues séparément, perdant ainsi de fait leur lien avec l’activité agricole.

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