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IL NE FAIT PAS BON ETRE UN CASTOR (comprendre un Auto constructeur)

Propriétaires, si vous comptez vendre votre bien immobilier, n’y réalisez pas de travaux par vous-mêmes !

Le vendeur « Castor » qui réalise en auto-construction des travaux sur son immeuble est tenu à l’égard des acquéreurs successifs, à la fois de la garantie décennale et de la garantie des vices cachés.

Réputé constructeur, par l’article 1792-1 2° du Code Civil, le vendeur qui a fait construire ou qui a auto construit un « ouvrage », est tenu, à l’égard des acquéreurs, pendant 10 ans à compter de sa réception, de l’indemnisation de leurs préjudices en lien avec les désordres affectant la solidité ou la destination de l’immeuble.

S’il a fait construire le vendeur disposera d’un recours en garantie contre les constructeurs et leur assureur (d’où l’importance de disposer des attestations d’assurance des constructeurs) ; en revanche, s’il a construit lui-même, le vendeur devra supporter la charge de l’indemnisation des préjudices matériels (coût des travaux de reprise) et immatériels de l’acquéreur.

Attention : le vendeur est tenu de la garantie décennale même si le désordre est visible au moment de la vente (Cass 3ème 19.09.2019 n° 18-19.918 – Cass 3ème civ 10.11.2016 n° 15-24.379), à moins que l’acte de vente ne prévoie une clause spéciale prévoyant la diminution du prix de vente à hauteur du coût de la reprise des désordres. Il est conseillé de se faire accompagner dans la rédaction de ce type de clauses car la Loi interdit les clauses de limitation ou d’exclusion de la garantie décennale (Cass 3ème civ 19.03.2020 n° 18-22.983).

La garantie décennale est limitée dans le temps : 10 ans à compter de la réception. Il est donc conseillé au vendeur « assimilé constructeur » de vendre, passé ce délai de 10 années pour ne plus en être tenu (encore faudra-t-il qu’il puisse justifier de la date de la réception, la preuve de la forclusion décennale étant à sa charge).

A côté du régime de la responsabilité civile décennale, le vendeur « assimilé constructeur » est aussi tenu de la garantie des vices cachés, pour les désordres qui ne sont pas de nature décennale et pour ceux, graves ou non, apparus après le délai décennal.

La garantie des vices cachés n’étant pas d’ordre public, il est habituel, que le contrat de vente immobilière contienne une clause dite « de non garantie de vices cachés ».

L’efficacité d’une telle clause est subordonnée au fait que le vendeur soit de bonne foi, c’est-à-dire qu’il n’ait pas eu connaissance du vice découvert par l’acquéreur.

En outre, le vendeur professionnel, du fait qu’il est professionnel, est supposé connaître tous les défauts de la chose vendue et ne peut donc pas s’exonérer de la garantie des vices cachés par une clause de l’acte de vente.

Le 19.10.2023, par arrêt n° 22-15.536 publié au bulletin, la Cour de Cassation a rappelé que « le vendeur professionnel, auquel est assimilé le vendeur qui a réalisé lui-même les travaux à l’origine des vices de la chose vendue, est tenu de les connaître et ne peut se prévaloir d’une clause limitative ou exclusive de la garantie des vices cachés ».

En conséquence, le vendeur qui réalise en auto-construction les travaux sur son immeuble est présumé avoir connaissance des vices cachés affectant lesdits travaux. Considéré comme un vendeur professionnel, il ne pourra pas s’exonérer de la garantie des vices cachés par une clause à l’acte de vente dudit immeuble.

Ainsi la garantie dont sera tenu ce vendeur « Castor » pourra être mobilisée par l’acquéreur, au-delà du délai de 10 ans de la réception, c’est-à-dire pour des travaux très anciens.

Dans ce cas et en application de la jurisprudence de la chambre mixte de la Cour de Cassation du 21.07.2023 (n° 20-10.763), le vendeur sera tenu de la garantie des vices cachés affectant les travaux qu’il a réalisés en auto-construction pendant 20 ans à compter de la vente (délai butoir de l’article 2232 du Code Civil) et sous la condition d’une action en justice (ou d’un acte interruptif de prescription) engagée par l’acquéreur dans les 2 années de la découverte du vice (article 1648-1 du Code Civil). Le délai de deux ans étant de prescription se trouvera suspendu notamment pendant la durée de l’expertise judiciaire en application de l’article 2239 du Code Civil.

L’acquéreur victime pourra soit rendre l’immeuble contre restitution du prix et éventuellement indemnisation de ses préjudices, soit garder la chose et demander la réduction du prix à hauteur des préjudices matériels et immatériels qu’il démontrera.

En conclusion, le vendeur « Castor » est tenu au-delà des obligations des constructeurs professionnels eux-mêmes (dans le temps – jusqu’à 20 ans à compter de la vente / dans la nature des désordres – même ceux dont la gravité n’est pas décennale) et, non assuré, il supportera la charge pécuniaire de l’indemnisation de l’acquéreur.

Notre conseil : Avant de vendre un immeuble que vous avez rénové ou construit en auto-construction totale ou partielle, consultez un Avocat pour limiter au maximum vos risques et renseignez-vous sur la souscription a postériori, d’une assurance dommages ouvrages au bénéfice des acquéreurs.

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