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EPOUX SEPARES DE BIENS : ATTENTION AUX APPORTS PERSONNELS DESTINES AU FINANCEMENT DU LOGEMENT DE LA FAMILLE

Selon l’article 214 du Code civil  : « si les conventions matrimoniales ne règlent pas la contribution des époux aux charges du mariage, ils y contribuent à proportion de leurs facultés respectives. »

Depuis plus d’une décennie, cette disposition légale a donné lieu à une jurisprudence abondante en matière de financement du logement des époux séparés de biens.

Il est désormais acquis que le fait pour un époux de régler seul les échéances d’emprunts afférentes à un bien immobilier constituant le domicile conjugal relève de la contribution aux charges du mariage.

Autrement dit, lorsqu’à la séparation, l’époux qui a réglé tout ou partie des échéances de prêt afférentes au domicile conjugal réclame à son conjoint une créance au titre des dépenses qu’il a exposées pour le remboursement de l’emprunt, son conjoint peut valablement rétorquer qu’il n’a fait que se conformer à son obligation contributive résultant de l’article 214 du Code civil.

À l’appui de ce raisonnement, les magistrats considèrent que les charges du mariage sont les dépenses propres à assurer la satisfaction « des besoins de la vie familiale », ce qui englobe notamment les dépenses indispensables de logement.

Cette jurisprudence s’applique au logement familial lorsqu’il constitue un bien indivis.

Elle s’applique aussi :

-aux remboursements partiels, par un époux, des échéances de prêt d’un bien acquis par l’autre époux, dès lors que ce bien constitue le logement de la famille

  • Ainsi, le fait pour un époux de participer au remboursement du prêt afférent à un bien appartenant exclusivement à son conjoint ne lui permet pas de revendiquer une créance au moment de la séparation, dès lors qu’il s’agit du logement de la famille.

-au financement par le mari de l’acquisition d’un bien indivis constituant une résidence secondaire de la famille, lorsque les revenus de l’époux étaient suffisamment confortables pour lui permettre une telle acquisition.

  • Là encore, la Cour de cassation refuse de reconnaitre une créance à l’époux contributeur.

D’aucun ont critiqué cette jurisprudence, qui aboutit dans certains cas à rendre le régime séparatiste « plus communautaire » que le régime légal de communauté.

En effet, en régime de communauté, l’apport de fonds propres, y compris pour le financement du logement familial, donne droit à récompense.

A partir de 2019, la Cour de cassation a apporté des limites à cette notion de contribution aux charges du mariage dans le cadre du financement des biens immobiliers entre époux séparés de biens.

Elle a en effet décidé que, sauf convention contraire des époux, l’apport en capital de fonds personnels effectué par un époux séparé de biens pour financer la part de son conjoint lors de l’acquisition d’un bien indivis affecté à l’usage familial ne participe pas de l’exécution de son obligation de contribuer aux charges du mariage.

  • Cour de Cassation, 1ère chambre civile, 22 oct.2019, n°18-20.828
  • Cour de Cassation, 1ère chambre civile 17 mars 2021, n°19-21.463

Dès lors, si le fait pour un époux de rembourser les échéances d’emprunts afférents au logement familial ne peut donner lieu à créance, puisqu’il s’agit de paiements échelonnés, l’apport en capital ne relève en revanche pas de la contribution aux charges du mariage et justifie donc qu’une créance soit reconnue à l’époux apporteur.

En 2023, la Cour de cassation a apporté une nouvelle pierre à son édifice jurisprudentiel.

La question était la suivante : l’apport en capital pour le financement d’un bien personnel à l’autre époux participe-t-il de l’exécution de l’obligation de contribuer aux charges du mariage ?

L’interrogation était inédite car la Cour de cassation ne s’était jusque-là prononcée que sur le cas d’apports en capital dans l’hypothèse de biens indivis.

En parfaite cohérence avec sa jurisprudence antérieure, la première chambre civile de la Cour de cassation énonce que « sauf convention contraire des époux, l’apport en capital de fonds personnels, réalisé par un époux séparé de biens pour financer l’amélioration, par voie de construction, d’un bien personnel appartenant à l’autre et affecté à l’usage familial, ne participe pas de l’exécution de son obligation de contribuer aux charges du mariage. »

  • Cour de Cassation, 1ère chambre civile, 5 avril 2023, n°21-22.296

En pratique, cette jurisprudence peut aboutir à des situations vécues comme des injustices par les époux non informés.

Il n’est pas rare que des époux séparés biens se répartissent les charges communes : l’un remboursera le prêt de la maison tandis que l’autre paiera les frais de nourriture et les impôts par exemple.

Si le remboursement du prêt ne se fait pas de manière échelonnée mais par apport de capital (remboursement anticipé du prêt par exemple) alors cet époux pourra faire valoir une créance, même s’il n’a pas participé aux autres charges de la famille, tandis que son conjoint ne pourra pas faire valoir de créance pour les charges qu’il aura assumées au quotidien, ces charges relevant de son obligation de contribution aux charges du mariage.

Il existe un moyen d’éviter une telle situation : la convention entre époux.

La Cour de cassation le rappelle systématiquement dans ses décisions ; sauf convention contraire des époux, l’apport en capital ne participe pas de l’obligation d’un époux de contribuer aux charges du mariage.

  • Si un époux rapporte la preuve de l’existence de la convention, alors il pourra s’opposer à la créance revendiquée par l’époux ayant fait un apport en capital.

Notre conseil : avant de vous marier sous le régime de la séparation de biens, consultez un avocat pour rédiger une convention qui prévoira exactement la manière dont vous souhaitez répartir les dépenses au sein de votre couple. Cela pourrait vous éviter de mauvaises surprises au moment du partage.

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