Par une décision remarquée, le Tribunal judiciaire de VERSAILLES a pour la première fois annulé une convention de divorce par consentement mutuel par acte d’avocats, considérant que l’absence de l’avocat de l’épouse lors du rendez-vous de signature de celle-ci entachait son consentement à ladite convention (Tribunal judiciaire de VERSAILLES, 2ème chambre, 30 avril 2024, n°20/00907).
Cette première décision rendue en la matière est l’occasion de rappeler les conditions de validité du divorce amiable extrajudiciaire.
Qu’est-ce que le divorce par consentement mutuel par acte d’avocats ?
Le divorce par consentement mutuel par acte d’avocats, ou divorce extrajudiciaire, est un cas de divorce introduit à compter du 1er janvier 2017 par la loi du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle.
Il s’agit d’un divorce sans juge : chaque époux, assisté de son avocat, consent à son divorce et à ses conséquences. L’accord total des époux est consigné dans un acte d’avocats, la convention de divorce, laquelle n’est pas soumise à l’homologation d’un juge, mais enregistrée par un notaire au rang de ses minutes afin de lui donner force exécutoire.
Cette procédure, plus simple et rapide qu’une procédure de divorce judiciaire, suppose toutefois qu’un certain nombre de conditions soient réunies sous peine de sanctions.
Sous quelles conditions la convention de divorce par acte d’avocats est-elle valable ?
Le législateur a entendu imposer un certain nombre d’exigences formelles à la convention de divorce rédigée par les avocats des parties.
Celle-ci doit notamment :
- contenir certaines mentions obligatoires,
- être adressée à titre de projet aux époux au moins 15 jours avant sa signature,
- et enfin doit faire l’objet d’un enregistrement au rang des minutes d’un notaire afin de devenir définitive.
Les avocats rédacteurs de la convention ainsi que le notaire chargé de son enregistrement sont chargés de veiller au respect des exigences de forme.
Par ailleurs, comme tout contrat, la convention de divorce par acte d’avocats suppose que les deux époux émettent un consentement libre et éclairé non seulement quant au principe du divorce, mais également quant à l’ensemble ses conséquences (financières, et relatives aux enfants notamment).
Ainsi, l’époux dont le consentement serait atteint :
- d’une erreur,
- d’un dol (erreur provoquée)
- ou de violence (c’est-à-dire de contrainte) pourrait se prévaloir de ce que son consentement était vicié au moment de la signature de la convention.
Le Tribunal judiciaire de VERSAILLES, dans sa décision en date du 30 avril 2024, a pour la première fois interprété les textes régissant le divorce extrajudiciaire comme imposant également, à titre de validité même de la convention, la présence concomitante des deux avocats des époux et, bien entendu, des époux eux-mêmes, lors du rendez-vous de signature de la convention de divorce.
En effet, l’article 1145 alinéa 1er du Code de procédure civile dispose que : « La convention de divorce est signée ensemble, par les époux et leurs avocats réunis à cet effet ensemble, en trois exemplaires ou, dans les mêmes conditions, par signature électronique. ».
Concrètement
Le rendez-vous de signature doit se dérouler en présentiel, avec les deux époux et leurs deux avocats réunis. Cela exclut d’emblée l’usage de la visioconférence ou bien l’émission de pouvoirs donnés à un tiers aux fins de signature de la convention ; la possibilité de signer la convention de manière électronique n’induit pas que celle-ci puisse être signée à distance.
Dans le cas d’espèce, il n’était pas démontré que l’avocat de l’épouse avait assisté au rendez-vous de signature de la convention de divorce, seuls son époux et son conseil ayant été présents. Elle s’est alors prévalue de ce que son consentement n’avait pas été donné de manière éclairée, puisque certaines des clauses de la convention lui étaient largement défavorables. Le Tribunal judiciaire a fait droit à ses demandes, en rappelant que chaque avocat est le garant de l’intégrité du consentement de son client au principe et aux conséquences du divorce, dont les termes sont énoncés dans la convention.
Quelle est la conséquence de l’invalidité de la convention de divorce ?
Lorsque manque l’une des conditions de validité de la convention de divorce, qu’il s’agisse d’une condition de forme ou d’une condition de fond tenant au consentement des parties, la sanction est stricte : la convention de divorce doit être annulée dans son intégralité.
En pratique, les modalités prévues par les époux ainsi que le principe même de leur divorce est anéanti, ce qui signifie qu’ils sont réputés n’avoir jamais été divorcés et sont donc toujours mariés. Il ne leur reste plus qu’à reprendre depuis le début la procédure de divorce, que ce soit amiablement ou devant un juge… Seul tempérament à la règle : le Tribunal judiciaire a admis que la contribution à l’entretien et à l’éducation des enfants du couple conserve son application puisque les modalités relatives aux enfants sont indépendantes du divorce des parents.
L’enseignement de cette décision est clair : il est primordial pour chaque époux d’être accompagné d’un conseil, qui se chargera non seulement de négocier les termes du divorce puis de rédiger une convention de divorce conforme à leur accord, mais aussi et surtout de s’assurer que son client consent effectivement au divorce et à ses conséquences et qu’il n’est pas lésé par l’accord intervenu.
Les avocats de notre pôle Famille se chargent de vous accompagner dans le cadre de votre procédure de divorce, que celle-ci soit amiable ou non : n’hésitez pas à nous contacter pour en savoir plus.